Dans le sud d 'encore plus loin que le sud, là où s'achève la mouvance des dunes de sable du Grand Eerg, il y avait une palmeraie gigantesque, faite de milliers et de milliers de palmiers. Au plus haut, près du soleil, les dattiers aux doigts de lumière, qui enfantaient leurs fruits mous et dorés. Plus bas, les bananiers aux grandes feuilles vert tendre, qui se protégeaient à l'ombre des premiers des ardeurs du haut ciel et protégeaient eux mêmes les légumes qui poussaient à leurs pieds dans les parcs ou les jardiniers réglaient le cours de l 'eau, de jour comme de nuit. Comme dans toutes les palmeraies, toutes les oasis, les gens travaillaient la terre et l eau, le soleil faisant son oeuvre au plus haut ou au plus bas, en traversant tous les étages de feuilles.
dans l 'oasis naquît un enfant de père et de mère inconnus.Un maraîcher l avait trouvé vagissant au pied d'un arbre. Pris de pitié, il le prit dans ses bras et le confia à sa tante, aveugle, qui lui donna le nom de Bassir qui veut dire
"clairvoyant".
comme tous les enfants, Bassir, grandit en âge et sagesse, mais sa tante refusa toujours qu'il apprît un métier. elle lui disait :
- tes yeux sont mes yeux et cela peut nous suffire. Et parfois elle ajoutait :
- patiente encore un peu : dans quelques années tes yeux seront les outils
de ton métier.
Mais, comme, en attendant,Bassir ne faisait rien de ses dix doigts, les gens de la palmeraie se mirent à le mépriser et lui donnèrent le prénom de Bkhîl, qui veut dire "paresseux". Bassir restait des heures et des heures, étendu à terre, tantôt sous un dattier, tantôt sous un olivier.
Les jardiniers qui revenaient de leur ouvrage le moquaient méchamment :
- alors Bkhil ? pas trop fatigué ? ta journée a été rude ?
Oh oui répondait il. Très rude .Il est long et difficile d apprendre à lire.
-ah ah ! apprendre à lire ? et tu n as même pas un livre ou un abécédaire près de toi ! Qui donc t'apprendrai à lire ? Paresseux!
cela me regarde, répondait Bassir. et c est cela que je regarde.
-Cela et quoi donc ?
- Tu le sauras plus tard. Quand j aurai appris à lire.
Et sur ce, il refermait ses paupières comme on referme un livre.
Le temps passa et petit à petit plus personne ne s'occupa de Bassir: on avait pris l habitude de le voir rêvasser sous les arbres, allongé sous sa natte et la nuque posée sur son burnous replié. Mas un jour, peu après la cueillette des dates, sa tante, Khala Leila, agonisa. Tout le monde de la palmeraie vint à son chevet pour lui parler et l aider à passer le grand gué. Khala Leila leur dit :
- mes yeux sont fermés depuis longtemps, mais moi je sais que les vôtres vont bientôt s'ouvrir grâce à ceux de Bassir, qui sait lire dans les feuilles des arbres.
Et elle mourut.
Par la suite, plus personne n osa se moquer de Bassir, Plus personne n osa lui parler ni l appeler Bkhil.Sauf une jeune femme qui se délolait de n avoir pas d enfant. Elle s approchât de Bassir qui lisait dans un figuier.
-Ô, toi qui te nomme le Clairvoyant, peux-tu me dire si j aurai enfin un enfant ?
-Oui dit Bassir. A la prochaîne lune, tu seras enceinte d'un garçon.
Ce qu 'il advint.
A partir de ce temps, tout le monde vint consulter Bassir.
Pour l'un il s agissait de savoir si son fils guérirait.Pour l autre de connaître le jour le plus favorable pour planter. Pour le troisième de trouver l 'endroit où creuser un puits. et Bassir ne se trompait jamais.
Chose étrange, il ne livrait jamais que de bonnes nouvelles. Tout ce qu'il lisait dans les arbres ne révélait jamais que du bien.Aussi les gens de la palmeraie l estimaient et le respectaient de plus en plus.
Mais un jour de tempête de sable, Bassir s 'en revient de la palmeraie triste et abattu, le visage blanc comme craie.
les gens du lieu prirent peur :
Ô Bassir ! Qu'as tu donc aujourd'hui ?
Quelque chose de terrible. D ans quelques temps des hommes venus de très loin vont nous faire la guerre pour nous mettre en esclavage. Ils tenteront de tuer certains d' entres nous, de brûler nos maisons, de piller nos biens, de prendre nos femmes.
- Mais nous n avons pas d'armes! Et nous sommes peu nombreux !
-Eh bien , faîtes vous des armes.
Ce qu 'ils firent. Mais au fur et à mesure que le temps passait, ils avaient de plus en plus peur et leurs jambes tremblaient quand ils pensaient à l 'avenir.
Ils disaient à Bassir :
- Nous avons maintenant des armes mais nous ne savons même pas nous en servir !
Eh bien, apprenez !
ce qu'ils firent.
Mais la peur demeurait : à l'idée de devoir combattre,leurs ventres se nouaient et leurs coeurs se serraient.
Quelques temps après, Bassir leur dit :
Ô gens d'ici ! j ai une grande nouvelle à vous annoncer! Ce matin j ai lu dans le grand dattier que nos ennemis seront ici dans trois jours. J y ai lu aussi que vous remporterez la victoire et que pas un seul d'entre nous ne périar.
a ces mots, les coeurs des hommes et des femmes de la palmeraie se raffermirent. Et leurs têtes, leurs jambes et lerus bras. On forgea encore plus d armes, on multiplia les pièges, les remparts d 'argile et lespostes du guet.On inventa des cris de guerre.
Le troisième jour, quand les ennemis apparurent sur la crête de la grande dune, ils furent accueillis à grands jets delances, de javelots, de sagaies, de pierres et de cris horribles. Les femmes poussaient leurs youyous, les enfants faisaient tournoyer leurs frondes et les vieillards leur apportaient les munitions
devant cet orage, les ennemis firent demi tour et s'en retournèrent au plus profond du désert. les gens de la palmeraie firent la fête comme jamais et dirent à bassir :
Ô Bassir! toi le clairvoyant , comment as tu pu lire tout cela dans le grand palmier ?
et Bassir leur dit:
- cette fois ci, je n ai rien lu dans l'arbre. Je n ai lu que dans votre peur.
Allah raleb .
Quand l'instant de la fin du monde sera à nos portes si l'un de vous tient
un plant de palmier et qu'il peut le planter avant que ne survienne l'instant de la fin du monde, qu'il le fasse.
HADITH